jeudi 10 janvier 2019

DIX MOI - 3. Chl'onme déssaqué ed p'us lon

L'homme tiré de plus loin
https://christian-edzire-dequesnes.bandcamp.com/album/ch-s-clichures


3. - Pourquoi également votre engagement pour le patois douaisien ? En mémoire de vos parents ? De vos origines ? De votre enfance ? Pourquoi vouloir absolument compléter votre prénom par Edziré ? 

Dans mon esprit, il ne s'agit pas d'un engagement pour le patois douaisien, je préfère dire une implication pour vivre ce qu'il reste à vivre ; pour faire respirer aussi encore le picard, ce qui reste du picard. Pour premier point en ce qu'il convient pour moi de répondre à cette question, c'est (re)dire que presque tous les "anciens" dialectes, plus parlés qu'écris d'ailleurs, populaires et que l'on nomme patois (si c'est pas toi, c'est donc ton frère ! Non ?), au nord de la France, en Picardie, dans l'Oise, dans l'Aisne, le Nord/Pas-de-Calais, tout ce territoire que l'on a affublé de l'étiquette "Haut-de-France", la matrice linguistique et historique des Parlaches [utilisons ce nom plutôt que patois] de cette région c'est du picard ! Le picard que l'on trouve aussi en Belgique dés que l'on franchi la frontière, d'ailleurs des panneaux en Belgique dés que l'on rentre dans cette zone accueille l'étranger, avec écris dessus : Bienvenue en Wallonie-Picarde... Le wallon et le picard sont vraiment des langues avec de très, mais très grandes similitudes. Bref ! Donc j'aime aussi écrire, chanter et raconter des histoires dans cette langue maternelle, des terres où je suis né, sur lesquelles j'ai grandi, c'est mes origines. Je suis issu du milieu populaire des mines du Nord de la France, mon père a été ouvrier toute sa vie professionnelle et il utilisait plein de mots et d'expressions en patois du Nord de la France, CELA m'améne d'ailleurs à cet Edziré, ce troisième prénom picard auquel je tiens beaucoup, je le dois à mon père. Avant ma naissance mes parents avaient choisi deux prénoms pour moi, Christian & Jacques, mais lorsque mon père a déclaré à Douai ma naissance à l'état civil, il a déclaré Christian Jacques Désiré et finalement il a bien fait. Je suis très attaché à mon père, à mes racines et je ne suis qu'un homme qui vient de plus loin, plus juste est de dire tiré de plus loin, Chl'onme déssaqué ed pu's lon.

Deuxiéme point important. Mon écriture picarde est un picard qui n'est pas spécifiquement douaisien car ce que j'aime c'est utilisé cette matière en me la réappropriant, en la réinventant en somme, avec notamment avec du vocabulaire de tous les Parlaches de ce patrimoine et territoire linguistique qui est quasiment perdu, pourtant il est d'une richesse incroyable ! Rien que pour Douai et ses environs, il y a deux auteurs important Louis-Dechristé et Théophile Denis (j'ai rédigé un petit livret sur Théophile Denis) que tout le monde a oublié ! Bref, je ne vais pas faire ici un cours sur ce sujet du picard et la France mais tout de même conclure je tiens à conclure en rappelant qu'énormément des plus grands auteurs de la littérature du moyen-âge, des trouvères,  Froissard, Adam de la Halle, Jean Bodel, Conon de Béthune, Richard de Fournival... écrivaient en picard ; c'est l'un d'entre eux Philippe de Beaumanoir qui fait du non-sens, du jeu mots une utilisation subtile qui invente de par sa préfiguration de la "technique" du Cadavre exquis si chère aux surréalistes,  puis encore il y a Hélinant de Froidmont Les vers de la mort... Tout CELA, cette matière là,  c'est du Picard et non pas du Français. En ces temps, là, il existait pour la France deux territoires linguistiques, celui des langues d'Oc du sud de la Loire à la méditerranée et celui des langues d'Oïl du Nord de la Loire à La Mer du Nord ; c'est à la Renaissance, sous François Premier et avec l'Edit de Nantes qu'il a été décidé d'"unifier", pour des raisons politiques,  la France avec une seule langue officielle alors le choix a été fait d'opter pour ce qui se parlait et s'écrivait à Paris et aux alentours en Îles de France, une langue d'Oïl au demeurant ; pour m'amuser et taquiner certains esprits, j'aime dire que le vrai français c'est le vieux picard mais les occitans peuvent dire la même chose avec leurs langues régionales occitanes, idem en Bretagne avec le breton. Bref, il existe un livre remarquable de prés de 450 pages : LA FORÊT INVISIBLE - Au nord de la littérature française : Le picard de Jacqueline Picoche, René Debrie, Pierre Ivart (Ivar ch'Vavar) et Jacques Darras, qui attestent de tout CELA ; ce qui est incroyable c'est que ouvrage publié en 1985 n'a jamais été réédité et surtout pas actualisé car depuis des documents, des nouveaux auteurs ont été retrouvés et même certains contemporains sont apparus. Vous l'aurez compris ce sujet me passionne car il ouvre des portes mentales et c'est que j'ai essayé de montrer en 1999 de par un livre, de création mais aussi de réflexion,  bilingue en picard et français Toussint Ducasses puis par la suite avec des groupes expérimentaux de blues & rock  en picard car c'est phonétiquement, comme le wallon, une langue qui sonnent mieux pour chanter que le français, afin de vous en convaincre, si nécessaire,  je vous recommande de découvrir le grand bluesman wallon Elmore D. 


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LETE À PICARDIA

Ti pi mi, el prëzinche ed ti à coté d'mi,
Come ènne noérzié !
Ch'ét djà ajouque, ènne quinte, ènne abéracion !
Cha va conte tous chés lois jographiques
Core in p'us, ch'é-t a s'ésclandé !
Foque nin a s'ésclandé...
Cha a si, point ènne rézon d'ète,
Nin, nin i:ér ! pi point-rin in-hui ! pi core point-rin dmin !
INSANNE.
I nn'a qu'ech vude i zz'a copé in deu
Por in séquant buquètes ed tènp a ète ùreu 'veucq ti !
J'el savo, qu'pu tard chl'adicion ale varot !
Brisaque in loyin, sains solucion ! à jamé !
Vlaù quoé qu'in-n ét : ènne inpossibelté !
Mé, i falot quézir
Ete ènne inpossibilité qu'ale éxisse
Ou-bin rin !
Mé rin, in n'savot même pon l'quézir
À l'vue d'chés jins qu'is ll'avot't' edja din leus goyètes
Adonc, vlaù !
Ed toute mainière ej n'àro pon du t'ravizé
Au preume wét:aje j'é visé qu'tout' i étot foutu
Infiun, j'm conprind !
El preume aviz:aje, por mi, i étot ch'ti dech déssévraje
J'aù vizé ch'débout edvaint ch'queminchmint,
Ell absinche qu'ale varot
Ch'tot in-n àrwét:aje d'amoer doreu, chaù,
Mé to't-d'mème, j'volo t'avoer pon foque pou ch'croquaje
Del peume ed capindu
Ti pi mi courir à vif', à s'déquiré, in s'àyant bramint quèr !
El momint d'ète pove ! vude ed yards (ou-bin d'doupes come is veu't' chés jins qu'is sè'te toute !)
L'momint d'ète pove i vara pu's tard !
E-pi drochi, ed tout sins, in s'in gabe !
Adonc, vlaù ! j'aù por ti el DEZIVORAJE
Mé d'in-n amoer inpossibe
Por ech réstant in vizra dmin pi core pu's tard.
Mi, ej t'dmainde rin
Mé ej prind ch'qu'ej te baye.
Ti, dmainde-mi ch'qu'in dot éxijé
D'ènne possibelté enéxistinte, impossibelté éxistinte
Qmint fère din ènne parèle istoére ?
N'y'aù foque a léché souflé ch'vint.
Pi chi ch'vint i canje ?
Ej n'aù nin l'réponche.
Mé, chi ch'vint i ramone, i lavure pi nétchie
I réstra
Edsu énne plaje
Ech graind vude (s'i fét ed maùl, ènne fo chaù prouvra qu'in-n ét toudi ach monne.°
Ech graind vude
E-pi
Enne carque
Leurde, to't d'ènne masse.
Ed l'amoer 
In morchio d'plonb qu'i teurne,
Qu'i teurne, teurne, teurne su li-mème,
Edsu ènne plaje.

Noveimbe 1997.

LETTRE À PICARDIA

Toi et moi, ta présence à côté de moi,
Comme une femme au maquillage outrageux !
C'est déjà une provocation, une farce, une aberration !
Cela va contre toutes les lois géographiques
De plus c'est encore à s'esclaffer !
Pas seulement à s'esclaffer...
Cela à aussi aucune raison d'être.
Non, rien hier ! puis rien aujourd'hui ! Puis encore rien demain !
ENSMBLE.
Il n'y a que le vide à couper en deux.
Pour quelques miettes de temps à être heureux avec toi !
Je le savais, plus tard viendrait l'addition !
Brise-tout un lien, sans solution ! à jamais !
Voilà ce que l'on est : une impossibilité !
Mais il fallait choisir
Être une impossibilité qui existe
Ou bien RIEN !
Mais rien, on ne savait même pas le choisir
À la vue de ces gens qui l'avaient déjà dans leur crachat purulent
Alors, voilà !
De toute manière je n'aurais pas du te regarder
Au premier échange de regards j'ai vu que tout était foutu
Enfin, je me comprend !
Le premier regard échangé, pour moi, était celui de la séparation
J'ai vu la fin avant le début,
L'absence qui viendra
C'était les yeux dans les yeux la vision d'un amour douloureux, cela,
Mais tout de même, je voudrais t'avoir pour plus que la bagatelle
Toi et moi courir toutes chairs ouvertes, à se déchirer, en s'aimant réellement !
Le moment d'être pauvre ! Vide de monnaie
(ou bien d'argent comme ils veulent ces gens qui savent tout !)
Le moment d'être pauvre il viendra plus tard
Et ici même, de toute manière, on s'en moque !
Alors, voilà ! J'ai pour toi ! LA FAIM QUI ME TIRAILLE LES VICERES
Mais d'un amour impossible
Pour le reste on verrat demain puis plus tard.
Moi, je ne te demande rien
Mais je prend ce que l'on doit exiger
D'une possibilité inexistante, impossibilité existante.
Comment faire dans une telle situation ?
Il n'y a seulement qu'à laisser souffler le vent.
Puis si le vent change ?
Je n'ai pas la réponse.
Mais, si le vent balaie, lessive et nettoie
Il restera
Sur une plage
Le grand vide
(si il fait mal, une fois ça prouvera que l'on est toujours vivant)
Le grand vide
Puis
Une charge
Lourde, toute d'une masse
De l'amour
Un morceau de plomb qui tourne,
Qui tourne, tourne, tourne sur lui même,
Sur une plage.

Christian-Edziré Déquesnes,
décembre 1997.



https://christian-edzire-dequesnes.bandcamp.com/album/dallaches-bleuses-bornes

https://christian-edzire-dequesnes.bandcamp.com/album/
ed-long-in-dirot-du-brun-ed-pres-chau-n-net

https://christian-edzire-dequesnes.bandcamp.com/album/ch-s-clichures

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