vendredi 4 janvier 2019

DIX MOI - 1. La mise en orbite.



- Toi qui était éducateur de rue, pourquoi t'es-tu orienté vers l'écriture, la musique ? À moins que ça faisait déjà partie de ta vie ?

- J'ai pris la décision d'être éducateur avant mes 17 ans et à 18 ans j'ai commencé les études pour mais j'étais déjà en plein dans la musique depuis ma pré-adolescence parce que chez ma Grand-Mére maternelle, Madeleine, il y avait un électrophone, des 45 tours yéyés et même un 25 cm de The Spotnicks que j'ai adoré écouter en mimant les solos de guitares debout sur le canapé devant mes cousines ; c'est là en somme que j'ai été mis sur orbite. Puis très vite j'ai flashé sur Michel Polnareff quand il a surgit du poste radio avec Sous quelle étoile suis-je né ?


...mais avant j'avais déjà craqué pour Françoise Hardy et bien sûr Jacques Dutronc dont mon cousin Francis qui était plus âgé que moi, achetait tous les 45 tours... Mémé Madeleine c'est mise à m'acheter tous les 45 tours de Michel Polnareff, à condition d'avoir un beau bulletin scolaire... Avant elle m'achetait déjà des livres car j'étais nul en grammaire et en orthographe mais j'aimais déjà beaucoup lire. Mes premiers vrais livres ont été dans une collection pour la jeunesse : l'Iliade & l'Odyssée, Les chevaliers de la Table Ronde et un grand livre aussi Contes & légendes des Indiens d'Amérique du Nord, un sacré beau livre ! Ensuite en cm2, j'ai un vieil instituteur, Monsieur Caffiaux, qui nous a lu Les Effarés d'Arthur Rimbaud et il nous a expliqué que nous avions bien de la chance puisque chez nous, même si nos parents étaient de modestes ouvriers, il y avait du pain tous les jours sur la table pour les enfants et cela grâce au travail des pères. Cela m'a marqué et je n'ai jamais pu oublié Arthur Rimbaud, ni Monsieur Caffiaux. Je suis issus d'une famille de prolétaire du Nord de la France...  Puis, un jour, sur la ducasse, fête foraine chez nous, de Sin-le-Noble, aux auto-tamponneuses, j'ai découvert MY GENERATION de The WHO...


...alors je suis devenu "rock" dans ma tête et il m'a fallu le disque avec la chanson  qui était parues depuis déjà quelques années et qui n'était déjà plus disponible en 45 tours, alors avec mon argent de poche, j'ai économisé pour acheter mon premier 33 tours . Mon premier groupe rock ce n'est pas The Beatles ou The Rolling Stones que  j'avais déjà entendu  , c'est The WHO et je considère que Pete Townshend, le guitariste auteur-compositeur, du groupe est un génie ! Puis à la même époque, en colonie de vacances dans le Jura, par le biais d'un 33 tours qu'en boucles écoutait toujours un moniteur, j'ai découvert Bob Dylan via le grand disque Hugues Auffray chante Bob Dylan et ce moniteur, son surnom c'était Bob ! autour des feux de camps avec sa guitare il chantait Bob Dylan, il m'a conseillé aussi de lire Jack Kerouac. J'ai craqué d'abord pour 3 titres La mort d'Hattie Carroll, La fille du Nord et surtout Cauchemar psychomoteur...

Là, où je suis né et où j'ai grandi dés
16, 17 ans durant les vacances d'été, on devait travailler un mois. Alors à 17 ans, j'ai postulé et j'ai été moniteur de centre aéré avec un peu en mémoire l'exemple de Bob le moniteur du Jura. Dans le groupe de garçons que j'ai encadré, il y avait le p'tit Jean Pierre, un gamin d'un milieu très pauvre mais très, très pauvre ! C'est là que j'ai décidé d'être éducateur. Jean Pierre, il me faisait penser à Gavroche car j'avais déjà lu les Misérables de Victor Hugo. J'étais nul de chez nul en orthographe et grammaire pourtant j'avais toujours les meilleurs notes en rédaction. Puis j'écrivais, je tenais un journal et je griffonnais parfois des poèmes et je lisais énormément Jack Kerouac, John Steinbeck, Issac Assimov et Philip K. Dick. La cerise sur le gâteau c'est quand j'ai découvert The Velvet Underground et Lou Reed en achetant un double 33 tours soldés pour 3 fois rien, dans le super marché du quartier des Epis de Sin-le-Noble Mammouth aujourd'hui c'est Auchan ; alors LÀ ! La vendeuse si vous aviez vu son visage effrayé quand je suis passé à la caisse pour payer.

Extrait de SAUF DIMANCHES & JOURS DE FÊTES - 2001 aux éditions Sansonnet et sous 
le pseudonyme de Victoire Perdrot, avec une préface de Didier Daeninck. Il a été tiré 2001 exemplaires pour l'usage du Comité d'Etablissement Régional SNCF Nord - Pas-de-Calais.



     La lourde petite porte de la maison d'arrêt se referme derrière moi. Je revois la grosse tête ébouriffée de Steven Chicon*.

     Toujours ce visage d'enfant, ces grands yeux bleus brillants qui semblent vouloir tout bouffer de la vie. Pareils, identiques, comme à l'époque de ses quinze ans.



     C'était un temps d'il y a plus de quinze ans : temps des centres aérés municipaux. Aucun moniteur ne voulait de Ch'Ticon* - c'est ainsi que tout le monde le surnommait - dans son groupe. Ch'Ticon trop téméraire, trop incontrôlable et bagarreur, avec en prime des poux plein sa noire tignasse crépu... Alos j'ai fini par proposer que l'on tente de l'intégrer au mien de groupe.

     Au début ils se sont vraiment bien payé ma tête, tous les ancien monos. Forts de leur expérience, ne m'épargnant aucun commentaire...

- N'importe quoi ! En rien de temps, avec Chicon, tu vas te faire manger.

-C'est un clown, une crapule terrible. Il n'y a rien de bon à tirer de ce jeune voyou-là.

-Il va mettre une rude pagaille dans ton groupe.


     Moi, novice (c'était ma première expérience), j'avais l'arrogance de vouloir accueillir le Pouilleux - second surnom de Ch'Ticon que tout le monde utilisait mais jamais en sa présence ! - que la direction envisageait d'exclure du centre aéré, faute d'animateurs volontaires, expérimentés, diplômés et compétents. Naïvement je proposai une nouvelle chance pour Steven. Cela n'a guère facilité mon intégration dans le cercle de ces animateurs fantoches plus préoccupés à se faire valoir aux yeux des minettes-monitrices, qu'à encadrer véritablement des gamins qu'on leur confiait.
     Discrètement, le premier jour de l'arrivée de Steven dans mon groupe je lui propose, s'il accepte, quand il le veut, demain, dans une semaine, quinze jour, voir jamais... que l'on s'occupe de son problème de poux.

     Les années passant, habitant le même faubourg, même si c'était toujours par hasard, Steven et moi on avait plaisir à se revoir...

*Chicon en picard signifie Endive.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire